samedi 9 février 2013

Virages



Au rythme de cette route en lacets qui me ramène chez moi, je pense à toi ; toi que je viens de quitter, les larmes au bord du cœur.
Un virage à gauche.
Tu nous as consacré ta vie, et moi je ne te consacre qu’une demi-heure par semaine au téléphone.
Un virage à droite.
Nous avons insisté pour que tu t’exiles dans cette maison pour personnes âgées arguant que tu y serais mieux, en sécurité, entourée. Était-ce un prétexte ou une bonne raison ?
Un virage à gauche. Les courbes bleues des collines au loin s’estompent en s’éloignant vers l’horizon.
Je me rappelle avec une netteté incroyable de cette fois (sans doute la première) où tu nous avais emmenés au Mint museum à Charlotte. Tu nous avais fait rester des heures (ou ce qui m’avait semblé des heures, à la mesure de mon temps de petite fille) devant une peinture de la renaissance italienne en nous expliquant le sfumato
Un virage à droite.
Pourquoi a-t-il fallu qu’après avoir tergiversé des semaines sur le fait de savoir si oui ou non tu allais accepter notre proposition (qui pour nous était plutôt un ultimatum que nous avions su enrober de belles paroles) tu choisisses cette maison dans les Blue Ridge Mountains ? Tu sais pourtant que j’ai horreur de la montagne ! Être entourée par des sommets m’oppresse. Je ne respire que devant l’immensité de l’océan que je vois de mes fenêtres à Wilminton. 
Un virage à gauche. Le bleu des collines ne fait pas illusion. Je redescends vers la mer, mais il me reste plusieurs heures de route.
Un virage à gauche.
Je sais que dans quelques semaines je serai de nouveau engluée dans un débat intérieur, un petit ange sur mon épaule gauche me serinant que je devrais avoir mauvaise conscience pour n’avoir pas été rendre visite à ma mère depuis plus d’un mois, et un diable sur mon épaule droite me susurrant que je peux bien surseoir et me rappelant combien ces visites m’attristent, et même me dépriment.
Maman je t’aime, mais tu me…

Un textounet écrit pour l’Écritoire de Lise - Peinture : Blue Ridge Mountains par Charles Sheeler, 1937.

10 commentaires:

  1. c'est un beau texte mais il me fait froid dans le dos

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  2. Moi aussi je ne respire bien que devant l'océan, pour le reste tes virages me font mal au cœur

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  3. Dernier virage raté ?
    Ou juste une envie de vomir ?

    :)

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  4. Ah, la "jeunesse"... manque de reconnaissance??? Je me demande si j'aurais eu cette indifférence, moi qui n'ai pas eu la chance de voir veillir ma mère? En tout cas, le texte est très beau.

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  5. C'est très beau et très vrai, tous ces virages et toutes ces questions. J'aime mieux la mer, moi aussi.

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  6. Maman >> c'est de la fiction hein !

    Zigmund >> c'est un test de déprime, si tu imagines une fin horrible c'est qu'il te faut un bout de chocolat !

    Zoë >> mal au coeur ou mal au coeur ?

    MissTortue >> ben toi t'es classée moins bas dans le test de déprime que Zigmund ;-)

    MarieNeige >> la jeunesse est égoïste et ingrate, c'est normal ! (mais ma personnage n'est pas si vilaine, y a pire !)

    la Mère Castor >> merci pour les compliments ! :-)

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  7. ouais, ce texte est très très bien, j'aimerais ne pas aimer ma mère comme je l'aime.

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  8. Pilotage en conditions difficiles, au mieux des instruments.

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  9. Ariana >> ton commentaire est énigmatique... tu veux dire que tu l'aimes trop ? on n'aime jamais trop cha moman ;-)

    Dominique >> oui parfois en amour on pilote les yeux bandés et les mains attachées dans le dos... on se laisse mener quoi !

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  10. Au fait, je viens de trouver du Yves Duteil dans ton post !
    Deux fois en plus !!!

    Ben oué : sur le même album, dans les années 80 ou 90, il y avait un titre qui s'appelait "virages" et un qui s'appelait "l'écritoire"...
    * http://www.youtube.com/watch?v=aVN8o73ZR1g
    * http://www.youtube.com/watch?v=q66BJvcVNYA

    (Va pas croire que je sois moi-même fan d'Yves, mais ma mémoire d'enfance dans le domaine de la chanson française est quasiment "no limit"... ;-))

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